Ethnopharmacologie -sources, méthodes, objectifs
- 1991 - 493 pages - 1 Volumes
- Auteurs : Jacques Fleurentin et coll. (eds)
- Edition : éditions ORSTOM
- Langues : Français
- Mot-clés : Ethnopharmacologie, Méthodologie
Description :
Dans les pays industrialisés, bien des scientifiques qui se réclament de l’Ethnopharmacologie ont généralement tendance à ne considérer les médecines traditionnelles que comme des « conservatoires » de connaissances empiriques sur des substances naturelles dont l’étude, par les méthodes actuelles de la pharmacologie moderne, pourrait conduire à la découverte de nouvelles molécules d’intérêt thérapeutique.
Or, comme nous l’avons souvent dit et répété, l’Ethnopharmacologie ne doit pas se limiter à l’étude des substances entrant dans la composition des remèdes traditionnels. On avait considéré, lors du 1er Colloque Européen d’Ethnopharmacologie (Metz, 23-25 mars 1990) que l’objet que se donne l’Ethnopharmacologie, serait sans doute mieux décrit comme l’étude scientifique interdisciplinaire de l’ensemble des matières d’origine végétale, animale ou minérale, et des savoirs ou des pratiques s’y rattachant, que les cultures vernaculaires mettent en oeuvre pour modifier les états des organismes vivants, à des fins thérapeutiques, curatives, préventives, ou diagnostiques.
Il importe en effet d’explorer aussi les savoirs relatifs à ces substances ainsi que les différentes pratiques de ceux qui les préparent et les utilisent. Autrement dit, une étude ethnopharmacologique ne consiste pas simplement à rechercher des » principes actifs » dans une matière médicale, en négligeant les remèdes préparés avec cette matière médicale et les raisons de leur emploi.
Avant toute étude de laboratoire, une enquête ethnopharmacologique sérieuse implique donc :
une bonne identification des matières utilisées pour la préparation des remèdes, une connaissance des opérations effectuées avec ces matières,
mais aussi une bonne identification des états pathologiques contre lesquelles sont utilisés les remèdes préparés avec ces matières.
Faute de précisions concernant la partie de la plante utilisée pour la confection d’un remède, le moment de la récolte, la façon de transformer la drogue brute en médicament utilisable, ou encore l’affection réellement visée par un médicament traditionnel, chimistes et pharmacologues peuvent perdre un temps précieux, les uns à isoler des substances sans intérêt, les autres à essayer en vain de mettre en évidence des effets mal définis (2). En effet, à quoi servirait-il d’identifier des ingrédients de remèdes traditionnels si l’affection visée par ces remèdes n’est pas elle-même clairement identifiée ? Souvent, des informations recueillies sur les indications thérapeutiques traditionnelles de plantes médicinales ont induit en erreur des chercheurs qui n’ont pas tenu compte des conceptions étiologiques et nosologiques des guérisseurs locaux ni de l’évolution de ces conceptions au cours des siècles.
Dans certains pays, comme l’Inde ou la Chine, des milliers de préparations ancestrales ont été mises sur le marché. Fabriquées à grande échelle suivant des recettes vieilles parfois de plusieurs siècles, beaucoup ont déjà fait l’objet, dans ces pays, d’études cliniques qui ont conclu à leur efficacité, notamment dans le domaine des maladies neurodégénératives. Mais comment en déterminer les constituants actifs lorsqu’on sait que certains mélanges possèdent des propriétés différentes de celles des ingrédients utilisés, ou présentent une activité supérieure à celle connue de leur constituant principal par suite de phénomènes de synergie ? Doit-on priver des malades de ces médicaments tant que la science moderne n’en aura pas isolé les » principes actifs » ?