par Guillaume Odonne
dr en pharmacie,
chargé de recherches au CNRS, Cayenne
le 13 avril 2020
La Guyane est dans une situation un peu particulière, car le confinement a été déclaré en phase 1 de l’épidémie, soit très tôt (en l’absence de circulation du virus sur le territoire, c’est-à-dire que tous les cas étaient des cas d’importation). Elle n’est entrée en phase 2 que le 4 avril 2020. Très vite, dans la semaine du 23 mars, le trafic aérien a été réduit au minimum avec la métropole et les Antilles, et les frontières avec le Brésil et le Suriname ont été fermées.
A ce jour, la situation épidémiologique semble stabilisée, avec aucun nouveau cas aujourd’hui (13/04), 1 hier et 0 avant-hier (pour la première fois depuis le début de l’épidémie).
Le bilan est de 88 cas dépistés positifs, 53 patients guéris et 15 patients hospitalisés au 13/04.
https://www.guyane.ars.sante.fr/coronavirus-aucun-cas-declare-positif-en-guyane-ce-jour-0
La situation est donc complexe car elle pose la question de l’immunisation de la population. Le confinement semble avoir bien fonctionné (baisse des cas), mais un déconfinement ne ferait que déporter dans le temps une crise inévitable devant le peu de moyens matériels de l’Hôpital de Cayenne.
Trois points sont à noter :
1) Le plus gros cluster d’infections (12 cas confirmés) est situé dans un village amérindien de l’agglomération de Cayenne, illustrant la vulnérabilité, sinon infectieuse au moins sociale, de certaines populations autochtones aujourd’hui, en dépit de messages diffusés par l’ARS dans toutes les langues de Guyane
2) Les quartiers spontanés liés à l’immigration clandestine ne permettent pas un confinement approprié et les craintes des contrôles policiers des habitants sont exacerbées. La Croix-Rouge, Médecins du Monde et le Centre Hospitalier ont donc mis en place des équipes mobiles de diagnostic et de support pour limiter l’apparition de nouveaux foyers
3) La baisse de la pression militaire sur les orpailleurs clandestins entraîne une hausse des mouvements de garimpeiros dans l’intérieur de la Guyane, avec un risque de contamination mais également de violences, pour les populations autochtones, particulièrement les Wayanas qui sont très remontés.