Description :

Issue d’une synthèse originale incluant et particularisant certains aspects des doctrines bouddhiques, la médecine tibétaine s’est propagée dans des contextes culturels similaires, comme c’est le cas du Ladakh au nord-ouest l’Himalaya indien. Cette médecine est indépendante de la religion mais y emprunte des éléments pour servir ses intérêts médicaux et sociaux, collectifs et individuels. La médecine n’est jamais une spéculation isolable, elle est la médecine d’un contexte socio-historique, politique et culturel. Le caractère singulier de la médecine tibétaine au Ladakh s’observe ainsi à divers égards, notamment dans l’expression de la religion par ses praticiens. Quelle place tient donc la religion dans la vie des praticiens de médecine tibétaine (amchi) ? Comment la médecine, en tant qu’institution sociale, négocie-t-elle ses relations à la religion ? Ces questions sont traitées en privilégiant deux sites d’observation : l’institutionnalisation et le mouvement associatif, après avoir pris soin de définir le cadre religieux idéal censé entourer la médecine selon les représentations qu’en ont les amchi ladakhis. L’argument retenu dans ce texte articule l’analyse du désir de scientificité caractérisant les institutions de médecine tibétaine à celle des usages politiques de la religion propres au milieu associatif et évocateurs des revendications identitaires des amchi dans une région fortement marquée par les tensions inter-religieuses. Essentiellement concentrées sur l’élite amchi urbaine, ces considérations permettent de saisir la convergence sociale d’éléments d’apparence disparate. En effet, la science, dans son rôle de légitimation médicale, est une composante centrale de la mise en politique de la médecine et n’apparaît pas dans ce contexte vraiment antinomique à la religion, de qui dépend fondamentalement l’identité politique collective. Cette coalescence discrète éclaire des aspects fondamentaux de la construction contemporaine de la médecine tibétaine au Ladakh. Laurent Pordié est anthropologue et ethnopharmacologue, responsable du programme “La construction sociale du soin : Anthropologie comparée” à l’Institut Français de Pondichéry, Inde. Il est également membre du Laboratoire d’écologie humaine et d’anthropologie de l’université d’Aix-Marseille et Directeur des recherches à Nomad RSI. Ses travaux concernent les dimensions sociales et politiques des médecines en Asie du sud, l’anthropologie des droits de propriété intellectuelle et la dimension sociale des plantes en Himalaya. Pondicherry, Institut Français de Pondicherry, 2003, 83 p. (Pondy Papers in Social Sciences, 29) ISSN : 0972-3188