Agence Reuter
Le 31 juillet 2020
Il s’agit d’une étude particulièrement intrigante, publiée dans la célèbre revue « Nature ». Celle-ci révèle la présence de cellules immunitaires dirigées contre le nouveau coronavirus chez la totalité des patients atteints de Covid-19 étudiés, mais également chez plus de 50 % des personnes n’ayant jamais été infectées par le SARS-CoV-2.
Une équipe de chercheurs issus de la Duke-NUS Medical School s’est penchée sur la réponse immunitaire de 36 patients atteints de la maladie Covid-19, issue du virus SARS-CoV-2, et convalescents. Tous, sans exception, ont développé des cellules immunitaires appelées lymphocytes T, dirigées contre le nouveau coronavirus. Cette réponse immunitaire serait « durable », contrairement aux anticorps qui disparaîtraient rapidement, et surtout, elle serait présente également chez plus de 50 % des personnes saines n’ayant jamais été infectées par le SARS-CoV-2.
Le médecin et journaliste Marc Gozlan souligne, dans un blog du Monde, l’importance de ce résultat. L’étude certifie ainsi que l’éradication du virus est réalisée par une immunité cellulaire « robuste et durable », couplée à une production d’anticorps « spécifiques et neutralisants », à prendre en compte donc dans l’élaboration du vaccin.
Cette étude de Nature rapporte également que des patients, anciennement atteints par le SARS (syndrome respiratoire aigu sévère), possèdent, dix-sept ans après, des lymphocytes capables de réagir contre le SARS-CoV-1, et même de reconnaître un coronavirus proche, en l’occurrence le SARS-CoV-2 responsable de la pandémie de Covid-19. Serait-ce donc la preuve que les personnes ayant contracté le nouveau coronavirus soient protégées d’une éventuelle re-contamination ?
« Ce résultat est encourageant, dans la mesure où il laisse penser que les patients ayant développé la Covid-19 ont la capacité, à l’instar des patients anciennement atteints de SARS, de développer une immunité cellulaire mémoire spécifique du SARS-CoV-2 de longue durée », commente pour Le Monde le Pr Benjamin Terrier, exerçant à l’hôpital Cochin à Paris, qui n’a cependant pas participé aux travaux publiés dans Nature.
Plus surprenant encore, l’étude révèle que des lymphocytes T spécifiques du SARS-CoV-2, le nouveau coronavirus, sont également présents chez plus de 50 % des personnes saines, n’ayant été infectées ni par le SARS-CoV-1, ni par le SARS-CoV-2. On peut alors déduire qu’il existe un certain niveau d’immunité préexistante contre la pandémie actuelle dans la population générale.
À ce sujet, des chercheurs américains avaient d’ailleurs rapporté en avril dernier dans la revue Cell qu’environ 40 % à 60 % des individus non exposés au virus SARS-CoV-2 possédaient des lymphocytes T spécifiques dirigés contre le nouveau coronavirus.
On ne sait, cependant, si la présence de ces lymphocytes T suffit à engendrer une guérison totale du Covid-19 en cas d’infection, puisque les anticorps interviennent également dans l’éradication du virus. Néanmoins, cette réponse de lymphocytes T, même en l’absence d’anticorps, peut probablement atténuer l’infection. Ces lymphocytes T spécifiques, découverts chez des individus jamais infectés, correspondraient à des coronavirus encore « inconnus », d’origine animale.
L’étude de Nature explique leur présence par l’hypothèse de l’« immunité croisée ». Notre système immunitaire garderait en mémoire le souvenir du contact avec certains coronavirus, n’ayant rien à voir avec les coronavirus responsables du rhume banal, et notamment des coronavirus animaux, méconnus de la science.
« Que des betacoronavirus provenant d’animaux, et non comme on a pu le croire des alphacoronavirus humains qui sévissent chaque hiver, puissent être à l’origine d’une immunité croisée avec le SARS-CoV-2, est une hypothèse vraiment intrigante. Ces résultats suggèrent que la moitié d’entre nous aurait été en contact avec des coronavirus animaux que l’on ne connaît pas encore et qu’il reste donc à découvrir », confie le Pr Benjamin Terrier à Marc Gozlan pour Le Monde. L’infection à ces coronavirus aurait alors tourné court, mais aurait suffi au système immunitaire pour fabriquer une réaction adaptée, également capable de faire face au SARS-CoV-2.
L’étude se demande alors s’il n’y aurait pas là une explication à la différence entre pays à propos des taux d’infection. Ainsi, « en fonction des habitudes alimentaires et de l’hygiène, on n’est pas exposé et donc pré-immunisé de la même façon », précise le Pr Benjamin Terrier cette fois-ci à L’Express. Le travail des chercheurs singapouriens mériterait donc de s’exporter et d’être conduit à une plus large échelle, pour tirer davantage de conclusions