Note sur Artemisia annua ou « armoise chinoise »

Christian Busser,
Dr en pharmacie et en ethnologie,
enseignant en ethnomédecine à l’Université de Strasbourg
le 3 avril 2020

 

Une plante bien connue

Artemisia annua joue un rôle particulier en Chine dans la lutte contre le coronavirus car elle est administrée seule et non pas mélangée à d’autres plantes. Elle est utilisée pour résoudre les symptômes de difficulté respiratoire modérée, c’est à dire les cas qui posent aujourd’hui problème à nos autorités sanitaires car susceptibles de s’aggraver et d’occuper des places en service de réanimation ainsi que de mobiliser des respirateurs artificiels. Artemisia annua a l’avantage de ne provoquer aucun effet secondaire et d’être non toxique [1]. Elle est également disponible en quantité importante tout en étant très peu chère.

Elle est utilisée pour traiter les fièvres et les syndromes respiratoires et ses vertus anti-virales sont aujourd’hui démontrées [2].

Les traitements qui hybrident médecine conventionnelle et médecine traditionnelle chinoise pour lutter contre le SARS-CoV ont déjà prouvé leur efficacité. L’Organisation Mondiale de la Santé a commandité en 2004 une étude portant sur une complémentarité entre traitement conventionnel et médecine traditionnelle chinoise dans le cadre du traitement du SARS-CoV [3]. Cette étude souligne que, dans certaines conditions, le traitement conventionnel composé d’antiviraux est plus efficace lorsqu’il est accompagné d’un traitement complémentaire à base de plantes médicinales. Toujours selon cette étude, cette synergie est d’autant plus importante pour les cas modérés à sévères, qui sont ceux qui posent problème aujourd’hui aux services de santé en mobilisant du personnel, du matériel et des infrastructures dédiées sur une période inhabituellement longue. Plus concrètement, ce traitement de médecine traditionnelle chinoise se présente sous forme de décoctions d’une dizaine de plantes médicinales. La formulation est adaptée à chaque type de cas et Artemisia annua est utilisée dans le cas de difficultés respiratoires modérées à sévères.

Il a été montré qu’Artemisia annua présentait avec Lycoris radiata, Pyrrosia lingua et Lindera aggregata une inhibition in vitro significative de SARS-CoV (mesurée par méthode MTS [4]).

Des études très récentes sur le SARS-CoV-2 confirment encore le potentiel d’Artemisia annua dans la lutte contre l’épidémie. Une étude encore en révision datant du 13/03/2020 tente de simuler numérique­ment l’inhibition chimique de molécules tests sur la protéase principale du SARS-CoV-2 (PDB ID : 6LU7). Parmi les molécules ayant le plus grand potentiel d’inhibition, quatre font partie des principes actifs que l’on retrouve dans Artemisia annua : lutéoline, kaempferol, quercétine et apigénine [5][6]. Ces résultats font écho à une autre étude qui passe au crible via des supercalculateurs les molécules pouvant potentiellement empêcher le virus de se fixer aux récepteurs ACE2 situés notamment dans les poumons. L’étude conclut que les 3ème et 5ème meilleures candidates sont la lutéoline et la quercétine, toutes deux présentes chez Artemisia annua [7]. Ces résultats récents viennent étayer le bien-fondé de l’administration d’Artemisia annua comme complément de traitement dans la lutte contre le COVID-19.

 

Il serait nécessaire et utile de mener rapidement une étude clinique complémentaire à celles déjà effectuées en Chine sur Artemisia annua avec une dérogation au niveau de la pharmacopée car elle est inscrite à la Pharmacopée chinoise mais pas à la Pharmacopée française. Le service de santé des armées pourrait mener un telle étude clinique compte tenu de nos liens privilégiés avec l’Afrique qui dispose de ressources considérables et immédiatement disponibles.

 

Bibliographie

1. Van der Kooyn F., Sullivan S.E. (2013) The complexity of medicinal plants: The Traditional Artemisia annua formulation, current status and future perspectives, Journal of Ethnopharmacology, p.3

2. WHO Report – SARS, Clinical Trials on Treatment Using a Combination of Traditional Chinese Medicine and Western Medicine.

3. Philippe Gautret, Jean-Christophe Lagier, Philippe Parola, Van Thuan Hoang, Line Meddeb, Morgane Mailhe, Barbara Doudier, Johan Courjon, Valerie Giordanengo, Vera Esteves Vieira, Hervé Tissot Dupont, Stéphane Honoré, Philippe Colson, Eric Chabriere, Bernard La Scola, Jean-Marc Rolain, Philippe Brouqui, Didier Raoult (2020) Hydroxychloroquine and azithromycin as a treatment of COVID-19: results of an open-label non-randomized clinical trial, International Journal of Antimicrobial Agents.

4. Shi-you Li et al. (2005) Identification of natural compounds with antiviral activities against SARS-associated coronavirus, Antiviral Research, 67, 18–23.

5. Smith M., Smith J.C. (2020) Repurposing Therapeutics for COVID-19: Supercomputer-Based Docking to the SARS-CoV-2 Viral Spike Protein and Viral Spike Protein-Human ACE2 Interface, UT Battelle, pp. 10-11

6. Vincent M.J. et al. (2005) Chloroquine is a potent inhibitor of SARS coronavirus infection and spread, Virology Journal, 2, 69.

7. Khaerunnisa S., Kurniawan H., Awaluddin R., Suhartati S., Soetjipto S. (2020) Potential Inhibitor of COVID-19 Main Protease (Mpro) from Several Medicinal Plant Compounds by Molecular Docking Study, DO – 10.20944/preprints202003.0226.v1

 

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